06 février 2008

Constitution du Japon


Voici les 40 premiers articles de la Constitution du Japon promulguée le 3 novembre 1946 et entrée en vigueur le 5 mai 1947. Fruit d'une modification de la charte Meiji, elle fut rédigée sous le contrôle de l'occupant américain. Imposée par Mac Arthur, elle consacre le rôle essentiellement symbolique de l'Empereur et institue par l'article 9 la renonciation à la guerre.

"Nous, peuple japonais, agissant par l'intermédiaire de nos représentants dûment élus à la Diète nationale, résolus à nous assurer, à nous et à nos des­cendants, les bienfaits de la coopération pacifique avec toutes les nations et les fruits de la liberté dans tout ce pays, décidés à ne jamais plus être les témoins des horreurs de la guerre du fait de l'action du gouvernement, pro­clamons que le pouvoir souverain appartient au peuple et établissons ferme­ment cette Constitution. Le gouvernement est le mandat sacré du peuple, dont l'autorité vient du peuple, dont les pouvoirs sont exercés par les repré­sentants du peuple et dont les bénéfices sont à la jouissance du peuple. Tel est la loi universelle de l'humanité à la base de la présente Constitution. Nous rejetons toutes les constitutions, lois, ordonnances et édits impériaux y contrevenant.

Nous, peuple japonais, désirons la paix éternelle et sommes profondé­ment empreints des idéaux élevés présidant aux relations humaines ; nous sommes résolus à préserver notre sécurité et notre existence, confiants en la justice et en la foi des peuples du monde épris de paix. Nous désirons occu­per une place d'honneur dans une société internationale luttant pour le main­tien de la paix et l'élimination de la face de la terre, sans espoir de retour, de la tyrannie et de l'esclavage, de l'oppression et de l'intolérance. Nous recon­naissons à tous les peuples du monde le droit de vivre en paix, à l'abri de la peur et du besoin.

Nous croyons qu'aucune nation n'est responsable uniquement envers elle-même, qu'au contraire les lois de la moralité politique sont universelles et que le respect de ces lois incombe à toutes les nations arguant de leur propre sou­veraineté et justifiant de leurs relations souveraines avec les autres nations.

Nous, peuple japonais, nous engageons, sur notre honneur de nation, à servir ces grands idéaux et ces nobles desseins par tous nos moyens.

CHAPITRE PREMIER. L'EMPEREUR

Article premier. L'Empereur est le symbole de l'Etat et de l'unité du Peuple ; il doit ses fonctions à la volonté du peuple, en qui réside le pouvoir souverain.

Article 2. Le trône impérial est dynastique et la succession se fait conformément aux dispositions du Code de la Maison impériale adopté par la Diète.

Article 3. Tous les actes de l'Empereur, accomplis en matière de repré­sentation de l'Etat, requièrent l'avis et l'approbation du Cabinet, qui en est responsable.

Article 4. L'Empereur ne peut exercer que les seules fonctions prévues par la présente Constitution en matière de représentation de l'Etat; il n'a pas de pouvoirs de gouvernement.

L'Empereur peut déléguer ses fonctions en matière de représentation de l'Etat, conformément aux dispositions prévues par la loi.

Article 5. Lorsqu'en application du Code de la Maison Impériale est instituée une régence, le Régent agit en matière de représentation de l'Etat en tant que représentant de l'Empereur. Dans ce cas s'applique le premier paragraphe du précédent article.

Article 6. L'Empereur nomme le Premier ministre désigné par la Diète. L'Empereur nomme le président de la Cour suprême désigné par la Diète.

Article 7. L'Empereur, suivant l'avis et l'approbation du Cabinet, s'ac­quitte des fonctions suivantes en matière de représentation de l'Etat au nom du Peuple :

- Promulgation des amendements à la Constitution, lois, décrets du Cabinet et traités.

- Convocation de la Diète ;

- Dissolution de la Chambre des représentants ;

- Convocation des élections générales des membres de la Diète ;

- Attestation de la nomination et de la révocation des ministres d'Etat et autres fonctionnaires, en vertu de la loi, ainsi que des lettres de pleins pou­voirs et lettres de créances des ambassadeurs et ministres ;

- Attestation des amnisties, générales ou spéciales, des commutations de peine, des grâces et des réhabilitations ;

- Décernement des distinctions honorifiques ;

- Attestation des instruments de ratification et autres documents diplo­matiques, dans les conditions prévues par la loi ;

- Réception des ambassadeurs et ministres étrangers ; :

- Représentation de l'Etat aux cérémonies officielles.

Article 8. Aucun bien ne pourra être cédé à la Maison impériale, ni

accepté ou cédé par elle, sans l'autorisation de la Diète.

CHAPITRE II. RENONCIATION À LA GUERRE

Article 9. Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l'ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ainsi qu'à la menace ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.

Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l'Etat ne sera pas reconnu.


CHAPITRE III. DROITS ET DEVOIRS DU PEUPLE

Article 10. Les conditions requises pour la nationalité japonaise sont fixées par la loi.

Article 11. Le peuple n'est privé de l'exercice d'aucun des droits fonda­mentaux de la personne humaine. Ces droits fondamentaux, qui lui sont garantis par la présente Constitution, sont accordés au peuple de cette géné­ration comme à celui des générations à venir, au titre de droits éternels et inviolables.

Article 12. La liberté et les droits garantis au peuple par la présente Constitution sont préservés par les soins constants du peuple lui-même, qui s'abstient d'abuser d'une façon quelconque de ces libertés et de ces droits ; il lui appartient de les utiliser en permanence pour le bien-être public.

Article 13. Tous les citoyens devront être respectés comme individus. Leur droit à la vie, à la liberté, à la poursuite du bonheur, dans la mesure où il ne fait pas obstacle au bien-être public, demeure le souci suprême du légis­lateur et des autres responsables du gouvernement.

Article 14. Tous les citoyens sont égaux devant la loi ; il n'existe aucune discrimination dans les relations politiques, économiques ou sociales fondée sur la race, la croyance, le sexe, la condition sociale ou l'origine familiale.

Ni nobles ni titres nobiliaires ne seront reconnus.

Aucun privilège n'accompagne l'attribution d'un titre honorifique, d'une décoration ou distinction quelconque, et pareille attribution ne vaut au-delà de la durée de l'existence de la personne qui en est actuellement l'objet ou peut en devenir l'objet dans l'avenir.

Article 15. Le peuple a le droit inaliénable de choisir ses représentants et ses fonctionnaires et de les révoquer.

Tous les représentants et fonctionnaires sont au service de la commu­nauté, et non de l'un quelconque de ses groupes.

Le suffrage universel est garanti aux adultes pour l'élection des repré­sentants du peuple.

Dans toutes les élections, le secret du scrutin est observé. Un électeur n'a pas de compte à rendre, en public ou en privé, du choix qu'il a effectué.

Article 16. Toute personne a le droit de pétition pacifique pour répara­tion de tort subi, destitution de fonctionnaires, application, abrogation ou amendement de lois, ordonnances ou règlements, ou pour toute réclamation en d'autres domaines; nul ne peut faire l'objet de discrimination pour avoir pris l'initiative de pareille pétition.

Article 17. Toute personne qui a subi un dommage du fait d'un acte illé­gal d'un fonctionnaire a la faculté d'en demander réparation auprès de l'Etat ou d'une personne morale publique, dans les conditions prévues par la loi.

Article 18. Nul ne peut être soumis à une sujétion quelconque. La servi­tude involontaire, sauf à titre de châtiment pour crime, est interdite.

Article 19. La liberté d'opinion et de conscience ne peut être enfreinte.

Article 20. La liberté de religion est garantie à tous. Aucune organisa­tion religieuse ne peut recevoir de privilèges quelconques de l'Etat, pas plus qu'elle ne peut exercer une autorité politique.

Nul ne peut être contraint de prendre part à un acte, service, rite ou céré­monial religieux.

L'Etat et ses organes s'abstiendront de l'enseignement religieux et de toute autre activité religieuse.

Article 21. Est garantie la liberté d'assemblée et d'association, de parole, de presse et de toute autre forme d'expression.

Il n'existe ni censure, ni violation du secret des moyens de communi­cation.

Article 22. Toute personne a le droit de choisir et de changer sa rési­dence, ou de choisir sa profession, dans la mesure où elle ne fait pas obstacle au bien-être public.

Il ne peut être porté atteinte à la liberté de chacun de se rendre à l'étran­ger ou de renoncer à sa nationalité.

Article 23. La liberté de l'enseignement est garantie.

Article 24. Le mariage est fondé uniquement sur le consentement mutuel des deux époux, et son maintien est assuré par coopération mutuelle, sur la base de l'égalité des droits du mari et de la femme.

En ce qui concerne le choix du conjoint, les droits de propriété, de suc­cession, le choix du domicile, le divorce et autres questions se rapportant au mariage et à la famille, la législation est promulguée dans l'esprit de la dignité individuelle et de l'égalité fondamentale des sexes.

Article 25. Toute personne a droit au maintien d'un niveau minimum de vie matérielle et culturelle.

Dans tous les aspects de l'existence, l'Etat s'efforce d'encourager et d'améliorer la protection et la sécurité sociales, ainsi que la santé publique.

Article 26. Chacun a le droit de recevoir une éducation égale correspon­dant à ses capacités, dans les conditions prévues par la loi.

Chacun est tenu de donner aux garçons et aux filles, sans exception, pla­cés sous sa protection, l'enseignement élémentaire dans les conditions pré­vues par la loi. L'éducation obligatoire est gratuite.

Article 27. Chacun a le droit et le devoir de travailler. Les normes de salaires, d'horaires, de repos et autres conditions de travail sont fixées par la loi. L'exploitation de la main-d'œuvre infantile est interdite.

Article 28. Le droit des travailleurs de s'organiser, de négocier et d'agir collectivement est garanti.

Article 29. Le droit de propriété ou de possession de biens est inviolable.

Les droits de propriété sont définis par la loi, conformément au bien-être public. La propriété privée peut être expropriée pour utilité publique, moyennant juste compensation.

Article 30. Le peuple est imposable dans les conditions prévues par la loi.

Article 31. Nul ne peut être privé de la vie ou de la liberté, ou faire l'objet d'un châtiment criminel en dehors de la procédure prévue par la loi.

Article 32. Nul ne peut se voir refuser le droit de recours devant les tri­bunaux.

Article 33. Nul ne peut être appréhendé que sur mandat d'arrêt délivré par un magistrat compétent, spécifiant le délit ou le crime dont l'intéressé est accusé, à moins qu'il ne soit surpris en flagrant délit.

Article 34. Nul ne peut être arrêté ou détenu sans être immédiatement informé des accusations pesant sur lui, ou sans pouvoir immédiatement se faire assister d'un avocat; nul ne peut être détenu en l'absence de motifs valables ; au surplus, à la requête de quiconque, ces motifs doivent être immédiatement précisés en audience publique de justice, en présence de l'intéressé et de son avocat.

Article 35. Le droit de chacun à l'intégrité du foyer, de la correspon­dance et des effets à l'abri des perquisitions, recherches et saisies ne peut être enfreint en l'absence d'un mandat valablement motivé décrivant, en par­ticulier, le lieu soumis à perquisition, les choses sujettes à saisie, ou dans les conditions prévues à l'article 33.

Chaque perquisition ou saisie doit faire l'objet d'un mandat distinct délivré par un magistrat.

Article 36. L'imposition de tortures ou de châtiments cruels par un fonctionnaire est absolument interdite.

Article 37. Dans toute affaire criminelle, l'accusé jouit, dans tous les cas, du droit d'être jugé rapidement et publiquement, par un tribunal impartial.

Il doit avoir pleine faculté de questionner tous les témoins, et le droit de convocation obligatoire en vue d'obtenir la comparution des témoins en sa faveur, aux frais de l'Etat.

L'accusé jouit à tout moment, de l'assistance d'un avocat compétent qui, dans le cas où l'accusé est incapable de s'en procurer un lui-même, lui sera fourni par l'Etat.

Article 38. Nul ne peut être contraint de témoigner à son encontre.

Les aveux faits sous la contrainte, la torture ou la menace, ou après arrestation ou détention prolongée, ne peuvent être retenus comme éléments de preuve.

Nul ne peut être condamné ou puni dans les cas où la seule preuve contre lui est constituée par ses propres aveux.

Article 39. Nul ne peut être tenu pour criminellement responsable d'un acte qui était légal lorsqu'il a été commis, ou dont il a été acquitté, pas plus qu'il ne peut se trouver doublement compromis.

Article 40. Quiconque est acquitté après avoir été arrêté ou détenu peut se pourvoir en réparation contre l'Etat, dans les conditions prévues par la loi.

[source : M. Lucken, A. Bayard-Sakai, E. Lozerand, Le Japon après la guerre, Editions Philippe Picquier, Arles, 2007]

Le dossier sur l'histoire de l'Asie orientale au XXème siècle



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